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  • pierregwendoline

La pression de l’indispensable.



Est-ce qu’il va penser au repas que j’ai laissé dans le frigo ? À la douche des petits ? Au pique-nique du grand pour lundi ? L’entendra-t-il pleurer si je ne suis plus là ? Le câlinera-t-il suffisamment ? Saura-t-il être ce qu’il faut ? Être ce que je suis, si je ne suis plus ?

Un mal de ventre, une fatigue passagère, un râle bol qui, une fois qu’il s’enclenche, s’accompagne de l’angoisse de se sentir indispensable.

Cette croyance, renforcée par des preuves de réalité, place les femmes dans une position d’indispensable vitale, sans qui le monde familial s’effondre.

Les couronnes s’entassent sur son crâne, qui ploie sous le poids des responsabilités, de cette charge mentale qui empoisonne, qui étouffe l’étincelle du vivant, momifiant la femme, qui devient le fantôme d’une vie qu’elle ne peut envisager de quitter, même un court instant, sans culpabilité.

C’est alors que la moindre faiblesse prend des allures de cauchemar. Et si je tombe vraiment malade, comment vais-je faire pour assumer, réaliser tout ce qui m’incombe ?

Nous endossons toutes, à un moment donné, le rôle de l’indispensable. Il nous est vital, il s’érige même parfois en objectif de vie, mais pourquoi, alors que celui-ci nous accable ?

Pour conquérir un amour qui, jamais, ne nous est dû.

Depuis l’enfance, il nous faut agir pour être aimées, pour valoir cet amour, pour être vues, entendues, conformes, assenties, confortées dans notre position de femme. Ainsi, nous devons mériter l’amour qu’on nous porte en étant un soutien pour qui le demande, un soulagement pour qui le sollicite.

Une épaule, une oreille, une main, un outil de bien-être pour l’autre.

En agissant de la sorte, nous avons le sentiment de mériter cet amour .

Nous en sommes dignes par ce que nous sommes partout, sur tous les fronts, de tous les soutiens de l’ego, de tous les soins de l’être et du paraître, pour tout et pour tout le monde.

Et pourtant, quelles sont lourdes ces couronnes usurpées, ces responsabilités volées, avec l’accord enthousiaste de la victime .

Nous nous retrouvons l’indispensable de l’enfant, l’indispensable du père, de la sœur, de la mère, des collègues, de l’école des enfants, des devoirs, du livre du soir, du coucher, de la cuisine, du ménage, du savoir administratif, du temps…

On recherche la chaleur des projecteurs de notre attention, on se bat pour être au centre de cette piste, oubliant celle qui, dans l’ombre, joue le rôle des machinistes invisibles de la grande scène de la vie de famille.

Alors, quand ses propres rouages grincent et rechignent à la tâche, l’angoisse de la perte d’amour nous fige, glaçant ce cœur énorme qui n’a jamais vraiment battu pour nous.

Et pourtant, que se passe-t-il quand l’absence de la femme, pour une raison ou pour une autre, se retrouve au planning de la vie ? Bien que rarement, sans heurts, les couronnes se remettent en place, l’absence obligeant à la reprise de responsabilités.

C’est fastidieux, conflictuel même parfois, mais tellement indispensable.

Chacun s’investit, se réapproprie sa place et la femme peut se libérer de l’anxiété de l’indispensable en comprenant non pas uniquement qu’elle n’est pas indispensable, mais surtout que ce n’est pas en étant juste elle, en laissant à chacun l’exercice de ses responsabilités, que l’amour qu’on lui porte diminue.

Alors prenons quelques minutes pour nous questionner :

Quand cesserons-nous de définir notre amour-propre, notre valeur personnelle en fonction de la satisfaction que nous apportons aux autres, de l’approbation de nos productions et du jugement positif de notre être ?

Rendons les couronnes que l’on nous a si facilement cédées, données ou imposées, desserrons notre emprise sur les champs de responsabilités qu’il est de bon ton de partager.

Pour enfin avoir un instant pour nous autres femmes. Un temps de penser, de thé ou de vin, qu’importe, un temps pour soi, un temps de chien parfois, mais un temps à soi.

Prenons ce temps, il nous appartient et lui nous est indispensable.


Rêverie d'une Terrienne lunaire, Ornella Queen.


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